23 Feb

LA MACHINE À (ne plus) ÉCRIRE

Publicado por María José Carpena

 

À l´epoque de l´ordinateur, je garde toujours auprès de moi cet objet désormais inutile. Il me suffit de regarder du coin de l’oeil et je la vois: muette, par terre, dans sa mallette bleue à la fermeture éclair assez abîmée, c´est ma petite Olivetti Lettera 32, la machine à écrire portable qui m´a accompagnée pendant toute mon adolescence, toute ma jeunesse et une belle partie de l´âge adulte.

 

Je m´aperçois que je ne pense plus beaucoup à elle (ah là là, la belle ingratitude !), disons que je la remarque seulement quand je suis obligée de la déplacer pour passer un coup de balai. Et pourtant je refuse systématiquement de m´en débarrasser.

 

Pourquoi ? Mystère ! Ou peut-être pas... C´est sur son clavier que j´ai tapé tous mes devoirs aussi bien au lycée qu´à la fac, les miens et ceux des autres, car, à l´époque, on n'était pas très nombreux à posséder l´objet magique qui nous permettait une présentation des écrits sans rapport avec notre calligraphie (parfois bien malheureuse...) Et ce n´est que les copains les plus proches qui étaient autorisés à s´en servir : pour les autres, je préférais faire moi-même, au cas où...

 

Ce qui était bien avec elle c´est qu´on avait droit à l´erreur, à la rature (discrète, si possible), qu´on corrigeait tant bien que mal sur la première copie, mais dont la correction donnait des résultats détestables sur les copies faites au papier carbone. On comprenait, c´était déjà ça !

 

Il faut dire que jeme suis opposée pendant bien longtemps à l´entrée dans ma vie d´un ordinateur : « Mais c´est le Moyen Àge, ce que tu fais là », qu´on me disait. Tout le monde autour de moi se mettait à l´ordi, mes collègues au lycée me taquinaient, sous prétexte que, disaient-ils, je donnais à la salle de profs « une ambiance de caserne de gendarmerie dans un bled paumé »

 

Mais moi, j'avoue que le clavier de l'ordinateur m'échappait, j´avais l´impression qu´il voulait faire sans moi, et puis aussi j´avais un peu peur des souris... Alors je me suis laissée bercer encore un petit moment par le « tac tac tactactac tac...gling ! » qui m'avertissait qu´il fallait passer à l´autre ligne. Et quand cette musique a, enfin, laissé la place au bourdonnement perpetuel de ce monstre qui trône sur mon bureau, j´ai signé, la mort dans l´âme, l´acte de décès de ma chère machine à écrire.

 

Devenue objet de collection, voire de luxe vintage années 60 pour les décorateurs les plus branchés, allez la voir sur internet à des prix disparates : de 70€ à 360€, selon l´état de conservation, qu´elle contienne ou pas le mode d´emploi original, qu´elle ait été ou pas fabriquée en Yougoslavie, la classe ! (Monsieur Olivetti, vous n´avez pas honte d´avoir inventé la délocalisation ?)... Mais, rassurez-vous, ce ne sera jamais la mienne !

 

María José Carpena González

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